Wilfried Mbida Cameroun, b. 1990

Wilfried Mbida est née au Cameroun. Après un bac en industrie de l’habillement dans un lycée technique, elle est diplômée de l’école des Beaux- Arts de Nkongsamba, près de Douala. Elle passe ensuite un Master 2 d'art plastique option peinture. Elle y développe un sens aigu du détail et de la perspective.

Pour son projet de fin d’études, elle s’intéresse aux rythmes traditionnels. Son travail est alors présenté en Angleterre par Christine Eyene, curatrice de la Biennale internationale de Casablanca.

 

Une fois diplômée, elle est inspirée par les rites funéraires en pays Betsi : l'Essani.
Petit à petit, son travail devient plus figuratif. L’artiste s'interroge : "
Lorsque le rite se termine, à quoi ressemble la demeure du défunt après son départ ? Quel est le ressenti de ces personnes qui ont perdu un être cher ?"

Ces réflexions l'amènent à se rendre compte qu’elle ne connaît pas l’intérieur des maisons des gens qui l’entourent. Très inspirée par les oeuvres d'Hammershøi et Edward Hopper, elle souhaite mettre en exergue le calme, le silence et la solitude. Cependant, son travail n’est pas mélancolique. Pour Wilfried c’est l’espoir, le désespoir, les non-dits et le poids de la société qui rendent les gens mélancoliques. C’est à l'opposé de ce qu’elle souhaite peindre.

 

Wilfried est obsédée par la notion d’authenticité. Le travail préliminaire de l’artiste passe d’abord par la photographie. "Une fois l’objectif rivé sur le modèle, celui-ci ne cesse de poser, de sourire". Mais l’artiste ne baisse pas les bras et continue à prendre des photos jusqu’au moment où le modèle lâche prise. C’est cette photo que Wilfried peint par la suite. Elle souhaite peindre l’être humain dans son authenticité, au moment où il est seul avec lui-même et n’a pas personne autour à impressionner.

 

Arriver à convaincre sa famille, ses amis et connaissances ne fut pas chose aisée. En effet au Cameroun, par une habitude héritée de la colonisation, la population a appris à garder le silence, à rester dans son environnement, et ne se met que très peu en avant. Si certains pourraient y voir de la cachoterie, ce n’est que discrétion et prudence. L’intérieur de la maison est, pour Wilfried, la métaphore du cœur, de la vie intérieure, d’un jardin préservé.

 

Dans Biyembelcine, elle reproduit les derniers instants de son grand-père. Ce côté funèbre n’a pas été prémédité, mais relève simplement de la fin du chemin, faisant alors de la mort une part intégrante de la vie. Wilfried peint l’authenticité car c’est ce qu’elle est, une artiste authentique, à la vision artistique forte et intangible, qui se démarque du reste du paysage d’art contemporain africain.

Quand d’autres artistes souhaitent montrer une vision fantasmée, aux couleurs vives et pailletées, elle peint l’autre facette de la vie : la vraie. Elle peint le calme, les maisons et les gens tels qu’ils sont. Si certains tableaux peuvent évoquer la pauvreté, Wilfried s’en défend car pour elle c’est le regard extérieur qui définit la pauvreté...comme la richesse.

Parfois, Wilfried est frappée par une lumière lorsqu’elle pénètre la maison, mais parfois, elle est frappé par un regard, comme celui de la petite fille du tableau Le violet.

Si Wilfried ne veut pas définir la pauvreté, elle ne souhaite pas non plus apposer le mot bourgeois sur l’intérieur de Douces fleurs. La grande masse au premier plan est une pierre, présente sur le terrain, autour de laquelle la maison a été construite. C’est encore une fois l’authenticité, le respect de la nature que Wilfried peint.

 

Sa vision des choses et de l’autre est guidée par l’intuition. Elle se rend dans différentes localités du Cameroun et cherche à pénétrer les demeures de son réseau d’amis. Elle profite de ces liens déjà créés pour immortaliser leur intimité.

 

Wilfried laisse la liberté au spectateur de caractériser ce qu’elle a peint. Elle définit son travail comme étant subjectif. L’artiste ne peut pas empêcher l’œil extérieur d’enrichir son travail de son propre point de vue, d’un angle qu’elle- même n’aurait pas perçu. C’est ainsi l’expérience de chacun qui lui permet de se faire une idée de l’autre.